Camille Étienne, 25 ans, activiste écologiste française fait clairement partie des personnalités qui nous inspirent et qui ont inspiré le projet La Friche. Depuis la vidéo YouTube « Réveillons-nous » (2020) du duo Avant l’Orage dont elle est la voix aux côtés du réalisateur Solal Moisan, nous avons suivi de près ses actions et ses discours. Ses actions de désobéissance civile et de lobbying auprès des décideurs politiques qu’elle mène férocement. Mais aussi ses discours au débit indomptable qui élèvent les questions et débats souvent stériles de certains journalistes et politiciens. Ses mots sont justes, frappent fort et marquent les esprits. On y ressent à la fois l’urgence et l’espoir. La sagesse et la fougue de la jeunesse qui se soulève face à l’effondrement de notre environnement et de nos sociétés.

Camille Etienne est véritablement l’une des porte-parole phare de toute une génération engagée pour une justice sociale et climatique, qui refuse de se soumettre à ceux qui se servent de leur pouvoir pour les asservir. En mai dernier, elle publiait son premier livre écologiste intitulée : Pour un soulèvement écologique. Dépasser notre impuissance collective.

Un monde en bascule

« On dit que les territoires nous façonnent. J’avais dix ans à peine quand j’ai compris que le dérèglement climatique menaçait mon univers entier. Mes histoires de famille, dont les glaciers renfermaient le souvenir. » (extrait du livre)

À Peisey-Nancroy, un petit village de montagne en Savoie, Camille grandit dans la ferme de ses grands-parents. Les glaciers trônent sur la vallée. Mais les « neiges éternelles » ternissent. Les « topos », ces cartes utilisées pour rejoindre des voies d’alpinisme changent chaque année. Il faut marcher toujours plus pour atteindre les surfaces glacées. Les crevasses sont de plus en plus nombreuses. Les accidents se multiplient. Elle réalise en le constatant de ses propres yeux que ce lieu de vie qui lui est si cher devient un espace en voie de disparition…

Camille Etienne est à peine âgée de cinq ans lorsque Jacques Chirac prononce face caméra un discours climatique qui marquera les esprits notamment par sa célèbre formule : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » Si Camille est trop jeune à cette époque pour s’en souvenir, elle fait néanmoins partie de cette génération qui aura l’impression de grandir avec cette citation tant elle sera reprise.

« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. »

Dans ce livre écologiste, l’autrice nous raconte également une histoire : celle d’un jeune homme qu’elle appelle Emmanuel. Il est en retard. Il saute dans sa voiture et démarre. Et il reçoit alors un appel.

« C’est Valérie. »

Il ne connaît pas de Valérie. Il s’agit de sa voisine qui l’appelle pour le prévenir que son appartement est en proie aux flammes. Elle lui demande alors s’il a pu fuir et l’informe qu’elle a contacté les pompiers mais qu’ils ne répondent pas car ils sont débordés ; les incendies se multiplient ces temps-ci… Emmanuel ne répond pas. Valérie lui dit que si les pompiers ne répondent pas il faudra prévenir les voisins et s’organiser car le feu risque de s’étendre dans les heures à venir. Il ne répond toujours pas. Valérie s’agace :

« Vous nous mettez tous en danger ! »

Emmanuel raccroche.

« Pour qui se prend-elle ? »

Il pense que c’est sûrement encore une de ces alarmistes qui cherchent à attirer l’attention. Et qui lui dit que ce n’est pas elle qui a déclenché l’incendie ? Et qui dit qu’on ne pourrait pas vivre dans un appartement en feu ? Avec tous les progrès technologiques, on pourrait très bien s’y habituer. Au pire, il inventera lui-même la solution. Alors il continue de filer sur la route car sa vie est trop belle et qu’il ne peut pas la perdre. « Pas vu, pas pris ». Il prend la fuite ; il choisit l’impuissance car c’est plus confortable voire avantageux pour lui. Et tant pis pour les « dégâts collatéraux »…

Vous avez compris la métaphore. Et nous, les voisins d’Emmanuel, que faisons-nous face à cet incendie ? Ne devrions-nous pas nous parler, nous alerter, nous indigner, nous organiser (quitte à prendre sa place) et agir plutôt que d’attendre une réaction d’Emmanuel ? Mais en sommes-nous capables ?

Plus d’excuses…

C’est à cet instant précis du livre que Camille Etienne entame alors une déconstruction raisonnée et argumentée par les faits historiques, les découvertes et travaux des penseurs et des scientifiques, des neurosciences ou encore des sciences sociales de tous ces freins mentaux qui nous tiennent encore trop nombreux et trop souvent à l’inertie. L’éco-anxiété, la fracture générationnelle, le mythe du déclic, les fausses peurs mais aussi l’illusion démographique, les inégalités, l’aliénation fossile, le mépris social, les faux débats, le vertige de la désobéissance etc. Toutes ces craintes d’ordres mental et moral qui n’ont qu’un seul objectif : nous distraire de la peur légitime que nous devrions toutes et tous éprouver à l’heure actuelle face à l’un des plus grands bouleversements et défis de l’histoire de l’humanité. Cette peur qui nous pousserait enfin à ralentir et à désobéir pour changer voire sauver le monde.

Dans ce livre écologiste, Camille Etienne réussit avec le talent qu’on lui connaissait déjà à éveiller les consciences et à insuffler à la fois une rage et une énergie libératrices. Pour finir, on ne pourrait mieux résumer le message du premier ouvrage de cette militante que nous vous conseillons de lire et de suivre que par ses propres mots :

« L’impuissance n’est qu’une obéissance. Le soulèvement écologique est vital et possible. »