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La Friche rapporteuse
LaSemo, l’incontournable festival durable

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Le weekend des 7/8 et 9 juillet derniers avait lieu la 15ème édition du Festival LaSemo au Parc d’Enghien. En plus d’une programmation musicale qui n’a rien à envier aux autres (Selah Sue, Ben Harper, Typh Barrow, Balthazar, Jain, Tryo, Odezenne, Cali, etc.), LaSemo a fait chaviré nos cœurs par bien d’autres de ses facettes…

LaSemo (« la graine » en Esperanto) est un festival culturel pluridisciplinaire, familial et qui bat tous les records en matière de gestion durable. Mêlant musique, arts forains et de rue, conférences sur les enjeux de demain, artisanat, jeux en bois, animations, foodtrucks et bien d’autres choses encore, le festival prône au travers de toutes ces activités les valeurs de durabilité, de convivialité, de respect, de découverte dans un esprit festif, d’engagement, mais aussi du financier au service du projet (pas d’enrichissement personnel) et de la pédagogie par l’action.

la plaine et ses food trucks sur le site du festival LaSemo
La plaine du Festival LaSemo, ses foodtrucks et son ambiance chill. ©2023 La Friche

Un festival engagé

Sur le plan de la durabilité et de la solidarité, le festival durable LaSemo prend depuis ses débuts des mesures fortes et concrètes sur différents plans. On peut citer une politique tolérance zéro concernant toutes formes de discriminations et de violences physiques et verbales et de la sensibilisation pour un monde plus durable et respectueux.

Il favorise également une accessibilité pour tous (conférences traduites en langue des signes, concerts interprétés en chant-signe, équipe formée pour l’accompagnement des personnes à mobilité réduite), une alimentation saine et durable (foodtrucks soumis à une charte durable et exigeante prônant le bio, le circuit court, les produits de saison, une offre végétarienne et des portions pour enfants) ainsi que la promotion d’une mobilité douce (groupes à vélo, parkings à vélos surveillés, covoiturage, navettes, parcours à pieds pour rejoindre le festival depuis le parking ou le camping).

Enfin, l’offre est adaptée en se voulant multiple et plurielle diversifiant les formes d’expression artistique et mettant en lumière les artistes émergents, belges et engagés. Enfin, la préservation des ressources naturelles est au centre de l’attention.

La règle des 5R

En effet, même si le festival zéro déchet n’existe pas, LaSemo s’engage activement à réduire son empreinte carbone. Pour cela, il a recours à la théorie des « 5R » : refuser, réduire, réutiliser, recycler et rendre à la terre. C’est pourquoi les initiatives suivantes sont d’application sur le site du festival durable : gobelets réutilisables, toilettes sèches, refus du plastique à usage unique, scénographie écoconçue et, depuis 2021, la vaisselle réutilisable cautionnée sur tout le site. En 2023, le festival a d’ailleurs reçu le soutien de l’appel à projet « Emball’Agir » du Service Public de Wallonie.

Gobelets réutilisables et carte pour payer en monnaie locale font partie des initiatives de ce festival durable
Des contenants réutilisables cautionnés et un système de paiement cashless en monnaie locale, la Pépette, font partie des initiatives durables du festival. ©2023 La Friche

Témoignages

Lors de notre passage au Festival LaSemo, l’esprit festif et familial de l’événement nous a conquis mais ce sont toutes ces initiatives de réduction et de revalorisation des déchets qui nous ont particulièrement frappés et agréablement surpris. C’est pourquoi, nous avons demandé à deux personnes de témoigner sur ce sujet : Lindsay Trigaux, bénévole chargée de la gestion des déchets, et Marion De Backer, festivalière de LaSemo et de Dour à une semaine d’intervalle. Voici leurs récits :

Récit de Lindsay Trigaux :

« Je suis une des personnes responsables de la propreté sur le Festival LaSemo. Je m’occupe de gérer les bénévoles qui œuvrent pour garder le festival propre tout au long du weekend. Leur travail consiste essentiellement à ratisser la zone du parc occupée par l’évènement et y ramasser les déchets qui trainent hors des poubelles. Ce sont également eux qui vont s’occuper de changer les sacs des poubelles accessibles aux festivaliers lorsqu’ils sont remplis.

Mais il faut l’avouer, notre travail est largement facilité par l’utilisation de la vaisselle réutilisable. Dans nos poubelles, pas de gobelets en plastique ni d’assiettes en carton ! La vaisselle étant cautionnée, les festivaliers ont tendance à la conserver jusqu’au prochain stand de collecte plutôt qu’à l’abandonner sur le chemin. Quand bien même quelques gobelets et autres contenants finissent à terre, à l’inverse de leurs cousins jetables, ceux-ci ont une grande chance d’être ramassés par d’autres festivaliers dans le but de récupérer la caution. Cela facilite le travail de notre team de nettoyage et nous permet d’avoir des poubelles qui se remplissent moins vite également.

J’ai vraiment à cœur de mener cette team au mieux car cela me ravit de voir une belle pelouse verte sous les décorations du festival plutôt qu’un champ de déchets à la fin d’un concert comme on peut en voir ailleurs ! »

photo de deux bénévoles chargées de la gestion des déchets en train de poser dans la bonne humeur
Le travail de la team nettoyage est facilité par les initiatives de réduction des déchets du festival. Un travail qui se fait dans la bonne humeur ! ©LaSemo
Récit de Marion de Backer :

« Chaque année, un peu partout en Belgique, les festivals fleurissent dès le mois de mai. Cette année, j’ai eu la chance de me rendre au Core, à Paradise City, Couleur Café, LaSemo et Dour. Des moments festifs qu’on redemande, année après année. Cependant, quand il s’agit de confronter certains de ces événements à mes valeurs, là, c’est une tout autre histoire… Si certains acteurs saisissent qu’en plus d’être responsables de réinventer un modèle culturel moins impactant, ils ont également une place centrale dans la transmission des bonnes pratiques, d’autres sont à mille lieux de ces préoccupations. Prenons les exemples du Festival LaSemo et du Dour Festival.

LaSemo vs…

Au Festival La Semo, les contenants jetables ont pratiquement tous disparus. Les espaces consacrés aux foodtrucks sont agréables et comme pour la majorité des festivalier.e.s, jeter leurs déchets au sol devient une aberration, ils comprennent l’intérêt de faire une file supplémentaire pour rendre leurs contenants consignés. Il n’y a qu’à voir l’état du festival à la fin du weekend, avant même que les équipes de nettoyage ne soient passées. Impeccable ! Aucun déchet, ou presque, ne jonche le sol. Par ailleurs, les organisateur.rice.s proposent une tonne d’activités, dont des conférences sur des thématiques sociales et environnementales. J’ai adoré écouter Gauthier Chapelle, Victoire Tuaillon et Christine Mahy, source énorme d’inspiration et de motivation pour faire mieux. LaSemo, c’est aussi le premier festival belge à être non-fumeur. Les festivalier.e.s sont invités à se rendre dans des espaces précis pour fumer et la cigarette n’est autorisée devant les scènes que lorsqu’un concert se joue.

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Comparaison entre la plaine du Festival LaSemo au lendemain de l’événement avant le passage des équipes de nettoyage (©2023 LaSemo) et la plaine du Dour Festival après seulement un concert (©2023 Marion de Backer)…

Dour Festival

Le Dour Festival est diamétralement opposé. En arrivant devant le site, un énorme parking pour les voitures s’est installé aux abords du festival, rendant la mobilité douce et collective bien moins attrayante. Durant le festival, pour se sustenter, les festivalier.e.s doivent se contenter d’une nourriture industrielle, qui ne partage aucun point commun avec l’alimentation durable, à l’exception peut-être de quelques foodtrucks indépendants. Les végétarien.ne.s n’ont qu’à bien se tenir ! De plus, ici, le verre réutilisable, ou tout autre contenant réutilisable d’ailleurs, est inexistant. La bière se boit dans un verre en plastique qui viendra noyer la scène durant les concerts. Après quelques heures, nous marchons sur un tapis de plastique.

Si le Festival LaSemo est un exemple, d’autres festivals ont également commencé à mettre en place des solutions. Les verres réutilisables sont présents au Core Festival, à Paradise City, Couleur Café, Esperanzah… En termes d’alimentation, Paradise City a invité des foodtrucks engagés dans l’alimentation durable et a établi un classement, réalisé par CO²Logic, valorisant les foodtrucks les moins émetteurs en CO². Ce festival a également réfléchi pendant quatre ans à un plan de mobilité, intégrant une offre de trains vers différentes grandes villes après les concerts et mettant en évidence la mobilité douce grâce à un parking vélos aux abords du site.

Marion s’engage pour des festivals plus durables dès 2024

Je crois sincèrement que si cette culture est émettrice de CO², source de déchets, de nuisances sonore et lumineuse, elle peut aussi (et surtout ?) être émettrice de messages engagés vers un public venu en masse, une source d’exemplarité afin de prouver au plus grand nombre que les solutions existent et que la transition est possible et ce, dans une joie festive, inhérente aux festivals. Face à ces solutions déjà testées par d’autres, il m’est devenu impossible de ne pas ressentir une certaine colère et de me poser la question suivante : qu’attendent Dour, Rock Werchter, Les Ardentes etc. pour entamer une vraie transition qui semble, en 2023, si élémentaire et atteignable ? C’est pourquoi, quelques jours après mon passage au Dour Festival, j’ai décidé de rédiger ma première pétition pour leur demander d’inclure la durabilité dès 2024. »

chanteur au milieu du public au Dour Festival
Après son passage au Dour Festival, Marion se pose la question : « Qu’attendent Dour, Rock Werchter, Les Ardentes etc. pour entamer une vraie transition qui semble, en 2023, si élémentaire et atteignable ? » Dans la foulée, elle lance sa première pétition pour plus de durabilité dans les festivals dès 2024 (lien ci-dessous). ©2023 Marion de Backer

On ne sait pas ce que vous en pensez, mais nous on a déjà signé la pétition de Marion (voir lien ci-dessous) et réservé notre weekend du 12/13 et 14 juillet 2024 pour la prochaine édition du festival durable LaSemo. Alors on se donne rendez-vous là-bas ? Et d’ici-là, un autre article sur la durabilité dans les événements culturels pourrait bien sortir… Ouvrez l’œil 😉

À suivre…

Ressources et liens utiles

Voici quelques liens utiles pour en savoir plus :