Interview
La Ressourcerie Namuroise | Ravik
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Pour ce nouvel article, La Friche a interrogé Cécile Meyer, coordinatrice du projet de La Ressourcerie Namuroise. La Ressourcerie, c’est un système de collecte d’encombrants mais surtout de revalorisation et réutilisation de ceux-ci. Cécile nous en dit plus…
Avant de parler de La Ressourcerie Namuroise, parle-moi un peu de toi… Qui est Cécile ?
Je suis arrivée à la Ressourcerie en 2014. J’ai enfilé plusieurs casquettes tout d’abord en communication puis en ressources humaines et finalement aujourd’hui comme coordinatrice du projet.
Mais je vais surtout te parler de Marc Detraux, ébéniste et éducateur de formation. C’est le fondateur et directeur de la Ressourcerie depuis une vingtaine d’années.
Peux-tu me dire quand et comment a été créé le projet de la Ressourcerie Namuroise | Ravik ?
Il y a une vingtaine d’années, Marc était responsable d’une asbl qui s’appelle Handicap et Participation. Il faut se remettre dans le contexte : le tri et le recyclage existaient mais on en parlait très peu. L’asbl s’occupait alors du tri des PMC mais elle était en perte de subsides…
Marc est alors parti au Canada et au Québec pour découvrir les 1ères ressourceries là-bas. À son retour, il est allé voir l’Échevin de l’Environnement de la ville de Namur pour parler de son projet. À savoir proposer un service aux citoyens qui collecterait les encombrants pour remplacer les grosses poubelles et faire de la récup’.
Vingt ans plus tard, l’asbl est toujours présente (après 3 déménagements). Trente-deux communes sont partenaires et une centaine de travailleurs œuvrent au bon fonctionnement du projet.
Le volet social est particulièrement développé ; la Ressourcerie se veut être une entreprise d’insertion en collaboration notamment avec les CPAS. L’objectif est d’accueillir des personnes éloignées du monde de l’emploi pour diverses raisons. Et travailler avec elles d’abord sur le savoir-être puis sur le savoir-faire au travers de la réutilisation.
Quelles sont les activités de la Ressourcerie ?
La Ressourcerie propose la collecte d’encombrants en bon et moins bon état. Cela se fait sur rendez-vous à domicile chez les particuliers (au sein des communes partenaires). Ce n’est pas moins de vingt à vingt-cinq tonnes d’encombrants qui arrivent tous les jours au sein de nos infrastructures.
La mission de la Ressourcerie est également la réutilisation. Cela commence par le tri. Pour cela, il faut être capable de voir le potentiel de réutilisation de l’objet en lui-même ou d’un matériau qui le compose. Ce qu’il reste de l’objet est démantelé pour partir vers les filières de recyclage. Cela représente environ 15% de ce qui est collecté. Il faut ensuite réparer, nettoyer, transformer et revaloriser pour remettre en vente ces objets dans l’un de nos cinq magasins.
La Ressourcerie Namuroise, c’est aussi un atelier de menuiserie où sont créés de nouveaux meubles sur base du bois en fin de vie collecté. Et d’autres projets en préparation autour de la réutilisation, de l’économie sociale et de la réinsertion.
Concrètement, si je suis en possession d’un meuble/objet dont je souhaite me débarrasser mais auquel je souhaite donner une deuxième vie, que faire ?
Tu peux nous contacter par téléphone (081/260 400), par mail (info@laressourcerie.be) ou encore via le formulaire en ligne sur le site web. Tu précises ce qui est à prendre et ta commune. Sept camions tournent en permanence pour desservir les 32 communes partenaires. Alors en fonction du ratio volume-poids de ce qu’il faut venir chercher et la place dans le camion, on te donne une date à laquelle le camion passera chez toi. On t’appelle encore la veille pour te donner une tranche horaire afin que tu puisses t’organiser.
Ce que je conseille toujours c’est de ne pas s’y prendre à la dernière minute. Et surtout de ne pas annuler ! C’est malheureusement de plus en plus courant depuis la période de la crise sanitaire. Certains clients nous contactent, réservent une date et entre-temps vendent leur matériel via une plateforme de revente en ligne. C’est problématique parce que pour nous, c’est un contre-temps dans une organisation parfois complexe. Et cela bloque de la place dans nos camions qui pourrait servir à d’autres.
On accepte tout ce qu’on peut trouver dans une maison. De la cave au grenier, jusqu’à l’abri de jardin et que ce soit en bon et aussi en mauvais état. Les seules exceptions sont : les déchets dangereux, de construction, les déchets verts, les vêtements, les tailles de châssis et les parois de douches trop importantes. On demande aussi d’enlever les clous et de compacter au maximum tout le matériel (rouler les tapis par exemple). Les objets doivent être regroupés au rez-de-chaussée au plus proche de la porte d’entrée ou dans un garage accessible à l’extérieur. On ne préconise pas la collecte à même la rue ou le trottoir pour des raisons de salubrité, de sécurité et aussi pour éviter les reprises sauvages et le vandalisme.
Et si je souhaite acquérir un meuble/objet en seconde main ?
Cela dépend ce que tu souhaites acquérir. Nous avons deux types de magasins : Ravik Essentiel (Namur, Ciney, Andenne et Florenne) et Ravik Sélection (Suarlée).
Le terme « ravik » ne vient pas du suédois mais du wallon « raviker » et signifie « donner une nouvelle vie », « faire revivre ».
Chez Ravik Essentiel, on trouve de tout. Du mobilier, de la décoration, des livres, des jeux, des vélos, des petits et gros électroménagers, du vrac, une partie matériauthèque et aussi de la vaisselle. Tout est propre, révisé et réparé au besoin. La politique de prix est au tiers du prix du neuf donc c’est accessible à un grand nombre. À Namur, une adaptation au revenu d’insertion est aussi possible.
Chez Ravik Sélection, c’est la belle sélection : vaisselle, objets déco’ vintage un peu insolites, mobilier aérogommé, petits meubles peints, mobilier restauré, créations de l’atelier menuiserie, fauteuils de style regarni et encore quelques collaborations avec des artistes récup’. Ici, le prix est plus élevé. Et une partie est disponible en ligne sur le Click&Collect du site web avec retrait en magasin.
Le recyclage est une notion plutôt bien connue du grand public aujourd’hui. Mais à la Ressourcerie Namuroise | Ravik vous transformez et revalorisez les objets. On parle à l’heure actuelle de plus en plus d’ « upcycling » qui permet d’apporter une valeur ajoutée aux objets. Peut-on dire que vous pratiquez l’ « upcycling » avec la sélection de meubles et d’objets collectés ? Peux-tu m’en dire davantage sur la processus qui se déroule dans vos ateliers ?
Avant tout, le recyclage n’est pas la panacée car il y a beaucoup de choses à faire en amont. Mais on observe tout de même un changement. On nous confie de plus en plus de choses en moins bon état. Donc l’avenir, c’est aussi la réparation ou la remise en état et donc ce travail de valeur ajoutée.
Ensuite, ce que nous faisons à la Ressourcerie, c’est plus de la préparation au réemploi que de la réutilisation d’un point de vue sémantique. En effet, la collecte de déchets s’apparente plutôt au réemploi alors que si l’on parlait de collecte d’objets, on dirait que l’on fait de la réutilisation.
Dans nos ateliers, la transformation et revalorisation des meubles et objets démarrent dès la phase de sélection de ceux-ci. Il s’agit de repérer et d’essayer de connaître leur histoire. Et avec une vingtaine de cultures parmi nos travailleurs, autant dire que les goûts et les couleurs sont variés donc c’est déjà un premier challenge (rire).
Nous avons aussi des critères de qualité. Nous faisons partie du LaBeL Rec’Up auprès de la Fédération Ressources qui représente les entreprises à économie sociale et circulaire.
Dans l’atelier mécanique pour vélos, ils revalorisent les vélos en les vérifiant, en les remettant en état, en les repeignant ou en gardant certains vélos pour pièces. Mais c’est moins de l’upcycling que de la préparation au réemploi.
En upcycling, on peut parler de la cabine d’aérogommage qui permet de redonner un look au meuble brun foncé vernis. L’atelier de peinture et patine aussi, qui est géré par le groupe des Pots de Peinture (Handicap et Participation). Il revalorise les petits éléments et meubles en suivant les tendance déco’ actuelles. En partenariat avec l’IATA, une école professionnelle de Namur qui possède une section garnissage, on pratique encore la remise en état de A à Z des vieux fauteuils à partir de nouveaux tissus.
Pour le reste, on ne peut pas parler d’upcycling mais de remanufacture. C’est typiquement ce que l’on va pratiquer sur un petit meuble en bois non utilisable car il est trop abîmé et qu’il y a trop de travaux à faire dessus par rapport au prix de vente que l’on pourra en demander pour rester dans les standards. On va pratiquer alors le démantèlement afin de récupérer des languettes de bois, faire du lamellé-collé et composer des panneaux avec un effet un peu exotique, chamarré en utilisant différents bois. Dans ce cas précis, la matière première des panneaux vient d’une matière secondaire pour recréer tout ce que l’on souhaite comme mobilier (meubles et bardages par exemples). C’est aussi une technique utilisée pour les demandes de professionnels (bureaux, et cuisines par exemples).
En quoi est-ce si important de favoriser le réemploi et d’opter pour des produits de seconde main en circuit court et durable à l’heure actuelle ?
C’est dans l’air du temps ; tout le monde s’y met pour des raisons différentes et tant mieux ! Car on a plus le temps face à l’urgence climatique, l’obsolescence programmée etc.
Un des projets de la Ressourcerie est d’industrialiser la filière bois pour produire davantage de lamellé-collé. Il faut savoir qu’en 2022, nous avons collecté 4800 tonnes d’encombrants dont 50% est du bois. Par rapport au développement de ce projet menuiserie, à la question de savoir s’il existait un gisement suffisant pour cela, la réponse est éloquente : à l’échelle des Recyparcs de Namur, c’est 25.000 tonnes de bois déposées sur la même année.
À la Ressourcerie, on travaille à la réinsertion donc tout se fait à l’échelle locale avec des partenaires ancrés sur le namurois. Cela veut dire une revalorisation du territoire au travers de la récup’ et de la revente dans des magasins en Province de Namur. Il n’y a pas de déperdition des richesses mais une présence harmonieuse sur le territoire et surtout pour les travailleurs et leurs familles ça boucle la boucle comme on dit.
Il y a également une dimension sociale à la Ressourcerie. « Écoresponsable » et « solidaire », cela va de pair selon toi ? Pourquoi ?
Oui, sinon ce ne serait que des grandes théories qui resteraient sur papier je crois. Le changement, c’est avec tout le monde et on apprend énormément de la mixité des publics et du vivre ensemble. À la Ressourcerie, on essaye de tirer tout vers le haut, pas que le matériel mais aussi les gens.
Notre clientèle est en partie différente. Chez Ravik Sélection, ce sont des personnes qui viennent pour le côté plus écologique, durable mais aussi pour chiner, trouver la pièce exceptionnelle et aussi parce qu’ils croient au projet. Ils ont souvent des moyens supérieurs, ce qui ne les empêche pas d’aller chiner dans les autres magasins. Tandis que chez Ravik Essentiel, il y a plusieurs clientèles : un public plus précarisé et à bas revenu qui consomme de façon plus responsable car c’est leur manière de vivre au quotidien tout simplement, des clients investis qui s’engagent pour consommer plus responsable, des jeunes qui s’installent etc.
Qu’est-ce qui t’inspire aujourd’hui ?
Ce qui m’inspire aujourd’hui dans le projet de la Ressourcerie, ce sont plutôt des parcours de travailleurs. Je pense notamment à l’un d’eux arrivé comme MÉNA (Mineur Étranger Non Accompagné) il y a quelques années à l’âge de 16 ans. Il est revenu dans notre giron quand il était au CPAS sous un contrat Article 60 et au terme de son contrat, il a signé son contrat définitif. Il est ensuite parti voir sa maman à la frontière de son pays après 10 ans de séparation. C’est ce genre d’histoires qui inspirent tout le monde ici et qui font vivre le projet.
Parmi les objets, tous véhiculent une histoire unique et ça aussi c’est beau…
Pour terminer, que penses-tu de cette phrase trouvée par hasard sur un site web : « Je pense donc je recycle. » 😉
Je dirais plutôt : « Je réfléchis en amont, j’emprunte si possible, je récupère, je répare et j’utilise jusqu’au bout. Et seulement après je recycle. »
Le recyclage doit arriver en toute fin de process’ car ce qui vient à son terme, c’est la revalorisation énergétique.
Ressources et liens utiles
- Site web de La Ressourcerie Namuroise | Ravik
https://www.laressourcerie.be/ - LaBeL Rec’Up
https://www.res-sources.be/fr/recup/